Lilian Schibli 17. mai 2024

Les placements dangereux de la BNS

Une publication sur LinkedIn par Philippe Thalmann, actionnaire de la BNS et professor of economics à l’EPFL.

La BNS possède des actions d’ExxonMobil pour une valeur de 1,5 milliard de dollars. Lorsqu’un petit investisseur ou une petite caisse de pension voit cela, il ou elle se dit : “Si la Banque centrale suisse investit autant d’argent dans cette entreprise, il doit s’agir d’une entreprise sérieuse avec un avenir sûr, autant y investir”. Pourtant, ExxonMobil est la plus grande entreprise de fracturation au monde, avec une terrible histoire de destruction de l’environnement et de violations des droits de l’homme, qui lutte depuis des décennies contre la protection du climat avec tous les moyens.

ExxonMobil vaut 470 milliards de dollars parce qu’il y a suffisamment de gros actionnaires qui sont convaincus que cette entreprise peut encore extraire et vendre ses énormes réserves de pétrole et de gaz, provoquant ainsi plus de 7 milliards de tonnes d’émissions de CO₂. Ces actionnaires ne croient pas que les grands pays respecteront les accords de Paris afin de stabiliser le réchauffement climatique en dessous de 2 degrés, ni que les énergies renouvelables remplaceront bientôt les énergies fossiles. En plaçant simplement ses réserves de change selon un indice de marché, la BNS adhère à cette croyance. Ce n’est pas neutre, mais préserve la structure du marché actuelle.

C’est également dangereux pour la stabilité des marchés financiers. Soit les gros actionnaires ont raison et le changement climatique est encore alimenté. Dans ce cas, de nombreuses entreprises, leurs assureurs, créanciers et actionnaires souffrent des effets des sécheresses, des événements extrêmes, de l’élévation du niveau des mers, etc., y compris des entreprises et des institutions financières suisses actives au niveau international (cf. étude du PIK dans Nature : 10 à 20% de PIB en moins en 2050 à cause du changement climatique). Ou bien ExxonMobil & Co sont empêchés d’exploiter pleinement leurs réserves. Dans ce cas, les prêteurs et les actionnaires de ces entreprises souffrent (l’UBS détient des actions ExxonMobil pour une valeur de 1,4 milliard de dollars).

Il y a donc suffisamment de raisons pour que la BNS se retire d’ExxonMobil & Co, que ce soit parce qu’elle ne veut pas donner un label de qualité à une telle entreprise par sa participation ou parce qu’elle ne veut plus gagner de l’argent dans les affaires destructrices de ces entreprises.