Lilian Schibli 10. avril 2025

UBS – Les investissements dans San Miguel menacent l’avenir climatique et la biodiversité des Philippines

Luzern | 10. Avril 2025 Une semaine avant l’assemblée générale d’UBS, une alliance de la société civile attire l’attention sur la politique d’investissement de la grande banque suisse aux Philippines. UBS compte parmi les plus grands investisseurs institutionnels du conglomérat philippin San Miguel. Le groupe veut fortement augmenter la capacité de ses centrales électriques au charbon et au gaz existantes dans le pays. Il entrave ainsi la transition énergétique des Philippines qui, selon une vaste étude, ont un énorme potentiel de développement des énergies renouvelables [1].

D’autres institutions financières européennes, comme l’autrichien Erste Group et la filiale de la Deutsche Bank DWS, ont mis fin à leurs activités avec San Miguel, notamment pour des raisons de protection du climat [2]. UBS, en revanche, détient des obligations de la branche centrales électriques, San Miguel Global Power pour un montant de 16,3 Mio. US-Dollar. UBS se place ainsi en deuxième position en Europe et en sixième position au niveau mondial parmi les plus grands investisseurs institutionnels dans le secteur des centrales électriques de San Miguel. 

Les investissements transitent par les fonds à gestion active suivants : 

  • UBS (Lux) Bond SICAV – Asian High Yield: 15,3 Mio. US-Dollar [3]
  • UBS (Lux) Bond Fund – Asia Flexible (USD): 1 Mio. US-Dollar [4]

Protestation à l’assemblée générale d’UBS le jeudi 10 avril à Lucerne :

Une délégation philippine sera présente à l’assemblée générale d’UBS ce jeudi 10 avril à foire de Lucerne (Messe Luzern) pour rappeler l’urgence de leur requête. La présence de la délégation sera accompagnée d’une action photographique autorisée, au cours de laquelle des activistes mettront à disposition de grandes photographies d’exposition à l’entrée de l’assemblée générale. Les images montrent la biodiversité unique de la route maritime philippine « Verde Island Passage » (VIP) et sa menace par les activités de gaz naturel liquéfié de San Miguel. L’action photo débutera à 09h00 à la “Messe”, Horwerstrasse 87, 6005 Lucerne. Les journalistes sont cordialement invités à accompagner l’action. Les photos seront mises à disposition rapidement via un communiqué de presse.

Johanna Frühwald, responsable de la campagne financière à Urgewald, déclare: „Alors que d’autres investisseurs européens ont tiré un trait sur San Miguel, UBS s’accroche à ses placements financiers sales. Ainsi, l’argent de la Suisse soutient un groupe qui maintient son pays dans la dépendance aux énergies fossiles avec de nouvelles centrales électriques. UBS investit exclusivement dans des obligations du groupe et n’a donc aucun droit de regard sur sa stratégie. L’affirmation courante de contribuer à la décarbonisation des entreprises fossiles en tant qu’investisseur “critique”, n’est, dans ce cas, que de la poudre aux yeux.“

Asti Roesle, responsable du « secteur financier et climat » à l’Alliance climatique suisse, déclare : 

« Le débat politique actuel en Suisse le montre clairement : nous avons besoin de toute urgence d’une régulation forte et orientée vers l’avenir du secteur financier. UBS s’y oppose en raison de stratégies de profit à court terme. Mais tant que les investissements dans le développement des énergies fossiles resteront incontrôlés, nous ne ferons pas qu’attiser l’effondrement de l’environnement et du climat, nous mettrons aussi en danger la stabilité financière à long terme.”

Olivier De Marcellus, expert “secteur financier” à BreakFree Suisse, appuie: 

« La crise environnementale pourrait entraîner l’abandon brutal de ces actifs à court terme, exposant le secteur financier à un « risque climatique » de plus en plus reconnu par les banques centrales et les régulateurs [5] . L’effondrement du Crédit Suisse en est un exemple : il n’a pas été provoqué par des prêts à l’économie réelle, mais par des scandales et investissements spéculatifs, souvent liés aux énergies fossiles — comme au Mozambique [6]. Le danger n’est donc plus théorique. Ce ne sont pas les prêts aux PME suisses qui fragilisent UBS ; les exigences en matière de fonds propres devraient cibler les véritables risques, notamment réputationels, pour préserver la stabilité financière et encourager des investissements durables ».

Le Père Edwin Gariguez, lauréat du prestigieux prix Goldman pour l’environnement et membre du conseil d’administration de l’ONG philippine Center for Energy, Ecology, and Development (CEED), déclare: “Le dépassement de la limite de 1,5°C menace la survie de la population philippine et d’autres sociétés du monde entier fortement touchées par le changement climatique. Au lieu de s’engager à respecter les objectifs climatiques et énergétiques du pays, des entreprises comme San Miguel maintiennent le pays dans la dépendance de combustibles fossiles sales, mortels et coûteux. Cela se fait au détriment des moyens de subsistance et de la biodiversité des Philippines. Le passage de l’île Verde, notre “Amazonie des océans”, est particulièrement touché par ces transactions. L’artère vitale de notre planète est menacée et à la tête de ces attaques se trouvent des entreprises fossiles qui bénéficient du soutien financier de banques internationales. Nous demandons à UBS de couper tout lien avec ce business”.

Contexte:

Avec ses investissements, UBS soutient une entreprise qui a certes des projets d’énergie renouvelable de moindre envergure, mais qui joue en même temps un rôle central dans l’expansion des énergies fossiles aux Philippines. San Miguel exploite actuellement plus d’une centrale à gaz sur cinq dans le pays – huit sur un total de 35 – et prévoit d’en exploiter huit autres, seule ou avec des entreprises partenaires. En termes de capacité de production d’électricité, l’entreprise est responsable de plus d’un tiers de l’expansion des centrales à gaz aux Philippines. Les projets de construction de deux nouvelles centrales à gaz le long du passage du Verde Island Passage (VIP), une route maritime connue pour sa richesse unique en espèces marines, sont particulièrement graves. Les centrales électriques y seront alimentées par du gaz naturel liquéfié (GNL), ce qui encourage également la construction de nombreux terminaux de GNL le long de la côte. 

Le GNL est un combustible très nocif pour le climat en raison de l’énergie nécessaire à la liquéfaction et à la regazéification et des fuites de méthane lors de son extraction et son transport. Le boom du GNL risque d’aggraver la surchauffe climatique dans un pays qui souffre déjà de tempêtes et d’inondations graves de plus en plus fréquentes. Fin 2024, une série inhabituellement violente de six cyclones a dévasté une grande partie du pays [7]. Les tempêtes ont provoqué des exodes massifs et 174 personnes sont mortes [8]. Ces évènements ont valu aux Philippines la triste première place de l’actuel indice mondial des risques [9]. 

Récemment, deux pétroliers ont coulé dans les eaux philippines, tous deux affrétés par une filiale de San Miguel, selon les médias. Par la suite, les marées noires ont pollué les eaux et les côtes [10]. 

Contact FR:

Olivier de Marcellus | Responsable campagne financière BreakFree Suisse

elviejo@riseup.net, +41 79 342 70 25

Contact ANGLAIS/ALLEMAND:
Angelica Dacanay | Responsable “Southeast Asia Just Energy Transition”- Programm du CEED
adacanay@ceedphilippines.com


Sources: 

[1] Vgl. UBS Nachhaltigkeits-Report 2024 – https://www.ubs.com/global/en/sustainability-impact/sustainability-reporting.html#tab-867172621 sowie https://www.tippinpoint.ch/artikel/77955/ubs_streicht_diversity_und_inclusion_aus_dem_geschaeftsbericht.html.
[2] Vgl. Climate Analytics, A 1.5°C future is possible: getting fossil fuels out of the Philippine power sector (15.11.2023): https://climateanalytics.org/publications/a-15c-future-is-possible-getting-fossil-fuels-out-of-the-philippine-power-sector
[3] Vgl. UBS Halbjahresbericht 2024 – https://documents.fww.info/fwwdok_Lqm5itl4nY.pdf
[4] Vgl. UBS Halbjahresbericht 2024 – https://documents.fww.info/fwwdok_KgxZ2ndyZq.pdf
[5] Die Deutsche-Bank-Tochter DWS erklärte im Juni 2023, sie habe sich von ihren San-Miguel-Beteiligungen getrennt. Anfang 2024 erklärte die österreichische Erste Bank gegenüber NGO-Vertreter*innen, sie habe ihre SMC-Anteile verkauft.
[6] Vgl. World Weather Attribution, Climate change supercharged late typhoon season in the Philippines, highlighting the need for resilience to consecutive events (12.12.2024): https://www.worldweatherattribution.org/climate-change-supercharged-late-typhoon-season-in-the-philippines-highlighting-the-need-for-resilience-to-consecutive-events/
[7] Vgl. ReliefWeb, WFP Philippines – 2024 Typhoon Season, Situation Report #6 (16. Dezember 2024): https://reliefweb.int/report/philippines/wfp-philippines-2024-typhoon-season-situation-report-6-16-december-2024
[8] Vgl. WeltRisikoBericht 2024, S. 54: https://www.welthungerhilfe.de/fileadmin/pictures/publications/de/studies-analysis/weltrisikobericht-2024.pdf
[9] Vgl. https://energytracker.asia/oil-spill-philippines/; https://www.rappler.com/philippines/san-miguel-shipping-subsidiary-owns-oil-mt-terranova/