Le changement climatique – pas une priorité pour la BNS
Publication sur l’assemblée générale de la BNS 2025 par Gabriela Neuhaus, actionnaire pour le climat de la BNS (traduit de l’allemand).
Vendredi matin 25 avril. Direction Berne, où la Banque nationale suisse (BNS) tient son assemblée générale au Kursaal. Nous faisons partie d’un groupe d’actionnaires qui s’engage pour que la Banque nationale tienne compte de la protection du climat et de la biodiversité dans sa politique de placement. Concrètement, la BNS ne doit pas détenir dans son portefeuille d’actions et d’obligations d’entreprises dont il est prouvé que leurs activités nuisent à l’environnement.
Au vu du réchauffement climatique et de la perte de biodiversité, il s’agit d’une revendication importante et urgente que nous voulons à nouveau présenter lors de l’AG. Mais la direction de la BNS a refusé d’emblée de discuter de ce sujet : comme l’année précédente, le Conseil de banque et la Direction générale ont rejetés les propositions soumises à l’ordre du jour signées par plus d’une centaine d’actionnaires, qui demandent la prise en compte de critères climatiques et environnementaux dans la politique de placement de la BNS.
La direction de la BNS continue d’affirmer que son mandat légal s’appelle « STABILITE DES PRIX » et rien d’autre que « STABILITE DES PRIX ». Un terme répété des dizaines de fois par les représentant·es du Conseil de banque et de la Direction générale lors de l’Assemblée générale. Selon les dirigeants de la BNS, les questions climatiques n’ont rien à voir avec l’accomplissement de cette mission.
Nous apprenons de ce comité de la BNS qu’il pense sérieusement pouvoir maintenir la STABILITÉ DES PRIX ! suisse comme un pilier, même en cas de catastrophes naturelles accrues – en détournant le regard et en restant inactif.
Continuer comme si de rien n’était
On reconnaît certes que le changement climatique est un problème important et qu’il faut s’y attaquer, mais on se cache en même temps derrière l’affirmation que le levier pour mettre en œuvre les préoccupations environnementales est plus grand ailleurs qu’à la Banque nationale.
Ce qui passe sous silence : Avec ses investissements dans des groupes pétroliers et de gaz comme Exxon Mobil ou TotalEnergies*, la Banque nationale contribue directement à l’aggravation du réchauffement climatique. Plus encore : selon les recherches de l’Alliance Climatique, le portefeuille de la BNS contient plusieurs grandes entreprises qui réalisent des bénéfices grâce aux énergies fossiles et/ou qui sont impliquées dans des violations des droits de l’homme et des scandales environnementaux.
De tels investissements sont en contradiction flagrante avec les propres directives de placement de la BNS, qui exigent que « la BNS n’acquiert pas d’actions ou d’obligations d’entreprises qui sont impliquées dans la production d’armes prohibées au niveau international, qui violent massivement les droits humains fondamentaux ou qui causent systématiquement de graves dommages environnementaux ».
Si et comment la BNS met en œuvre ces directives et contrôle leur respect reste ouvert. Même lors de l’assemblée générale, elle ne veut pas répondre aux questions de ses actionnaires à ce sujet. Pour que tout se déroule selon le programme et les règles de la BNS, le dispositif de défense et de sécurité dans et autour du Kursaal est considérable – et prêt à considérer même la violence.
Démonstration de force à l’AG
Nous le ressentons déjà avant la manifestation elle-même : sur le sol public devant le Kursaal, nous, les 30 actionnaires climatiques venus de toute la Suisse, sommes chassé·es par les forces de police au trottoir d’en face. Au lieu d’être sous le toit du Kursaal, nous sommes littéralement sous la pluie pendant notre courte manifestation pacifique.
L’accès à l’AG est strictement surveillé : contrôle de sécurité avec fouille du sac à main et passage sous la grille de détection. Une fois cette étape franchie, on se fait remettre son appareil de vote à un desk, sur présentation de sa carte d’identité et de sa carte d’accès.
C’est fait ! Pour reprendre des forces, on se voit offrir du café et des pâtisseries sur le chemin de la salle. Une fois sur place, je m’inscris en tant qu’oratrice – ma place m’est attribuée par une femme de la sécurité. Elle veille à ce que tous ceux qui s’inscrivent pour un vote pendant l’AG s’assoient dans le secteur prévu pour les orateur·ices. Tout autour, le personnel de sécurité a le regard sombre, les jambes écartées et des eécouteurs dans les oreilles. A 10h10, avec dix minutes de retard, la présidente du Conseil de banque Barbara Janom Steiner ouvre la 117e Assemblée générale de la Banque nationale suisse.
Elle salue brièvement toutes les personnes présentes en romanche, puis souhaite la bienvenue en allemand aux représentants du Conseil de banque et de la Direction générale, qui sont assis sur le podium. Puis la présidente énumère ses collègues du Conseil de banque dans la salle, se réjouit de la présence de « nombreux directeur·icess des finances des cantons », salue les représentant·es de la Confédération, les anciens membres du Conseil de banque, les conseiller·ères régionaux·les de la BNS ainsi que la représentante des droits de vote, le réviseur de KPMG et deux classes d’école de Thoune et de Brigue, qui assistent à l’AG en tant qu’invité·es.
J’écoute et j’attends – j’attends en vain : aucune mention spéciale n’est faite des 368 actionnaires présents dans la salle. Le message est clair : je suis tolérée ici, mais j’aurais en fait pu rester chez moi. Mme Janom Steiner s’intéresse en premier lieu à l’actionnariat institutionnel, qui donnera plus tard la décharge au Conseil de banque et à la Direction générale et sans questions gênantes, avec une approbation de presque 100 pour cent. Nous, les actionnaires privés, ne sommes qu’un public et, pour la BNS, une quantité négligeable.
L’AG suit donc son cours. Barbara Janom, présidente du conseil de banque, mène la matinée en dame de fer et en showmaster. L’objectif ouvertement déclaré est le suivant : les affaires statutaires doivent être traitées de manière efficace et sans perturbation, afin que l’on puisse se rendre au buffet debout à 13 heures.
Dans son discours présidentiel, elle revient brièvement sur nos propositions rejetées et répète une fois de plus les raisons, tout à fait contestables, pour lesquelles ces points n’ont pas été admis à l’ordre du jour. Ensuite, le directeur de la BNS Martin Schlegel explique dans son discours pourquoi la politique de placement de la BNS se concentre et doit se concentrer sur la STABILITE DES PRIX ! et pourquoi le climat ne peut pas être pris en compte.
La BNS va-t-elle à l’encontre de ses propres directives ?
Toutefois, le même Dr Martin Schlegel annonce également au cours de l’AG : “La BNS a une politique d’exclusion claire Nous nous basons sur les valeurs et les normes généralement reconnues en Suisse. Et nous ne détenons pas d’actions d’entreprises qui violent ces mêmes valeurs. Ces valeurs sont : La violation des droits humains fondamentaux, ou encore les entreprises qui causent systématiquement de graves dommages à l’environnement ; les entreprises qui fabriquent des armes interdites au niveau international ou encore les producteurs de charbon thermique“.
Or, comme on le sait, la BNS possède dans son portefeuille des actions de groupes qui ne répondent pas à ces critères, car ils causent effectivement de graves dommages à l’environnement et violent les droits de l’homme en extrayant du pétrole ou en participant à la déforestation de la forêt amazonienne. On peut alors se demander si le patron de la banque ne connaît pas son portefeuille ou s’il ne prend pas cette vérité au sérieux ? L’assemblée générale ne répond pas à cette question.
Le caractère pseudo-démocratique d’une telle AG apparaît clairement lors des votes : qu’il s’agisse de l’approbation du rapport financier, de la fixation du dividende ou de la décharge du conseil de banque, pratiquement toutes les affaires sont approuvées à plus de 95%.
Il n’y a pas de discussion. Les votes des actionnaires sont limités à trois minutes et ne font pas l’objet de réponses individuelles. Janom Steiner commente avec humour l’une ou l’autre déclaration : on prend note de ceci, on ne peut malheureusement pas changer cela, on aimerait bien, mais, mais, mais…
Les nombreuses interventions concernant le climat et la biodiversité sont finalement traitées en bloc par le directeur de la BNS, Monsieur Schlegel, avec une réponse visiblement préparée et lue sur un téléprompteur. Sans surprise, il résume une nouvelle fois les raisons pour lesquelles la BNS ne veut pas s’imposer de critères environnementaux dans sa politique de placement et souligne à nouveau que le mandat légal de la BNS est de garantir la STABILITE DES PRIX ! et que cela peut être la contribution exclusive de la BNS à un développement durable.
Schlegel n’aborde pas plusieurs points concrets, notamment ma question concernant le manque de transparence des rapports de la BNS en matière d’environnement et de biodiversité, ce qui, selon moi, constitue une violation des traités internationaux.
La proposition
Mais de manière tout à fait inattendue, le directeur de la BNS finit par lâcher le morceau : il souligne que la BNS examine de bonne foi son « portefeuille d’actions de plusieurs milliers d’actions » pour s’assurer qu’il répond aux exigences énoncées dans les directives de la BNS et conclut son exposé par ces mots : ” Nous sommes toutefois également ouvert·es à toute suggestion. – Si vous connaissez des entreprises dont vous pensez qu’elles ne devraient pas faire partie de notre portefeuille d’actions, n’hésitez pas à vous adresser à nous, et nous les examinerons avec plaisir”.
Puis c’est la fin. Nous quittons la salle sous l’observation et l’accompagnement de nombreux gardes du corps avec des écouteurs à boutons dans les oreilles. La question brûlante lors de la discussion avec nos coactionnaires dans le foyer : quel est réellement le niveau d’ouverture vis-à-vis de nos remarques ?
Et la BNS publiera-t-elle de tels résultats d’audit en 2026 (ou même avant) ?
Le scepticisme reste grand. Le constat de l’AG d’aujourd’hui : le seul langage que la présidente du Conseil de banque Janom Steiner et ses collaborateurs comprennent est le langage juridique. S’il n’est pas possible de faire autrement, c’est par ce biais que la BNS doit être contrainte de respecter ses engagements.
*Le groupe TotalEnergies se vante sur son site Internet de réduire ses émissions de CO2 à zéro net d’ici 2050 – et a célébré le 21 avril l’ouverture d’un nouveau champ offshore aux Etats-Unis.