Indépendance
L’indépendance dans la loi
L’alinéa 3 de l’article 99 de la Constitution fédérale suisse dispose : «La Banque nationale suisse mène, en tant que Banque centrale indépendante, une politique monétaire servant les intérêts généraux du pays ; elle est administrée avec le concours et sous la surveillance de la Confédération» 1
Indépendance limitée
Il s’agit toutefois d’une indépendance limitée, car il existe des facteurs de limitation clairs. Ainsi, la BNS est certes indépendante dans ses activités quotidiennes, mais elle doit néanmoins rendre des comptes au Conseil fédéral et au Parlement et se soumettre à des législations internationales et nationales (voir Résponsabilité de la BNS).
Sens initial de l’indépendance
Il est important que la BNS conserve une «indépendance limitée» et que le Conseil fédéral ne puisse pas décider de la politique monétaire. Il semble toutefois qu’au cours des 50 dernières années, de nombreux politicien·nes suisses se sont mépris sur ce qu’est l’idée d’une Banque centrale indépendante. Tout d’abord, l’idée que les banques centrales sont indépendantes n’a pas toujours été admise et, lorsque cette idée est apparue, leur marge de manœuvre était beaucoup plus restreinte. L’idée de l’indépendance des banques centrales est apparue au 20e siècle. Il s’agissait de libérer les banques centrales des intérêts à court terme des politicien·es et d’établir à la place une inflation faible et un système durable de confiance dans la stabilité monétaire.2
Adaptation rare des mandats, malgré un pouvoir accru des banques centrales
Au cours des dernières décennies – et maintenant en particulier lors de la pandémie COVID-19 – les banques centrales sont devenues plus puissantes que jamais. Les mandats formels n’ont été que rarement adaptés, mais leur portée s’est clairement élargie. Ainsi, la BNS a elle aussi développé de nouveaux instruments depuis la crise financière, à travers les mesures prises pour gérer le taux de change du CHF et à travers les actions des banques centrales en général. Les actions de la BNS ont aujourd’hui un impact très important sur l’ensemble de l’économie du pays.
La BNS n’est pas indépendante des crises liées au climat à la biodiversité
Il est inacceptable que la BNS, malgré son poids gigantesque et son pouvoir sans cesse croissant, s’arroge le droit de se tenir complètement à l’écart de la crise climatique et de l’érosion de la biodiversité et de continuer à faire comme si cela ne la concernait pas. Comment se fait-il que notre banque centrale ne s’efforce pas de mener une politique pro-climat et pro-biodiversité tournée vers l’avenir ? Et pourquoi accepte-elle, à travers ses actions, une aggravation des crises du climat et de la biodiversité, alors qu’elles mettent en péril le bien-être de la Suisse et la stabilité de sa place financière à plus long terme ? Car ces crises, alimentées par la BNS, influencent également toute la place financière suisse et le bien-être de la population. Comment se fait-il qu’une institution de droit public interprète son indépendance comme une liberté vis à vis des accords que la Confédération conclut avec la communauté internationale comme l’Accord de Paris ? L’indépendance peut signifier la liberté d’interférer quotidiennement dans la politique monétaire et d’intervenir politiquement avant les élections, mais elle ne devrait pas signifier que la BNS se tient à l’écart de la crise du climat et de la biodiversité et qu’elle contribue même à sa perpétuation. Or, la BNS ne lutte actuellement pas de manière proactive et avec tous ses moyens contre la crise climatique et la perte de biodiversité.
L’indépendance signifie que le mandat est concrètement mis en oeuvre
Il est donc inacceptable que la BNS, sous couvert «d’indépendance», ignore toute demande qui lui serait adressée. Être indépendant signifie qu’elle met en œuvre son mandat de manière efficace. Or, ce n’est pas ce que fait la BNS actuellement, puisqu’elle ne lutte pas de manière proactive contre la crise climatique et la perte de biodiversité. Ainsi, à ce stade, il est demandé aux représentant·es de la population de rappeler à la BNS ce mandat et, si nécessaire, de réfléchir à l’évolution du cadre légal. Car celui-ci est l’affaire des législateur·euses. En principe, il est de la responsabilité du monde politique de régulièrement vérifier si les conditions sont réunies pour que la BNS puisse s’adapter suffisamment aux exigences d’un environnement économique, social et écologique en rapide évolution, et si elle le fait. La politique a donc aussi le devoir d’y être attentive et d’agir si nécessaire. La crise climatique et celle de la biodiversité sont les plus grandes crises de l’histoire de l’humanité.
L’État a abondamment utilisé les banques et la BNS dans la gestion de la crise Covid. Il est temps d’admettre que la Banque nationale est déjà un instrument de changement dans la société. Et qu’elle doit devenir un instrument de changement vers un avenir viable – non pas pour quelques-un·es – mais pour tous·tes.
Sources
[1] Constitution fédérale (2004). Article 99 de la Constitution fédérale. Politique monétaire.
[2] Adam Tooze (2020). The Death of the Central Bank Myth.
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