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Les arguments

Du côté de la BNS, on argumente souvent qu’elle ne change pas sa politique actuelle de placement, sa politique monétaire et sa réglementation des marchés financiers parce qu’elle «ne mêle pas de politique climatique», que ce n’est «pas sa tâche» ou son mandat. La BNS serait «indépendante», «neutre vis-à-vis du marché» ou aurait besoin d’une «grande quantité de liquidités» et investit donc simplement dans des indices mondiaux.1 Ces arguments sont hypocrites et inacceptables. Le chapitre suivant explique pourquoi.

Dans la section suivante se trouve un résumé des arguments face aux excuses les plus courantes de la BNS ou des politiques. Ces arguments sont expliqués plus en détail ci-dessous.

Argument de la BNS no1 :

«La BNS n’a pas pour mission de prendre en compte la crise du climat et de la biodiversité.»

Assurer la stabilité des prix et la stabilité financière de la place financière suisse font partie des tâches les plus importantes de la BNS. La crise climatique et la crise de la biodiversité sont des facteurs ou des risques importants pour la stabilité des prix et la stabilité financière (voir argument 1).

L’article 99 de la Constitution fédérale stipule que « la BNS mène une politique monétaire qui sert les intérêts généraux du pays ». L’arrêt ou la fin de ces crises est dans l’intérêt de la population suisse.

Contrairement aux particuliers, la BNS est tenue de respecter les droits fondamentaux de la population suisse. Elle doit par exemple respecter le principe de précaution et le devoir de protection de l’État : selon ce principe, l’Etat doit protéger les citoyen·nes de manière préventive contre une perturbation dangereuse du système climatique (voir argument 6).

La Suisse a signé l’accord de Paris sur le climat. L’article 2c stipule que tous les flux financiers d’un Etat doivent être orientés de manière compatible avec le climat. Tous les pays qui l’ont signé doivent respecter ces règles (il est juridiquement contraignant). Cela vaut également pour les institutions étatiques comme la BNS.

La place financière suisse s’est fixée pour objectif de devenir le leader mondial de la finance durable, de jouer un rôle décisif dans le financement d’une économie durable et de contribuer à la réalisation de la neutralité climatique. Cet objectif est fortement freiné par l’inaction de la BNS.

La BNS fait partie du “Network for Greening the Financial Systems” et a adhéré au “Action Agenda” (2019) du NGFS et à la NGFS Glasgow Declaration (2021). Elle a ainsi explicitement reconnu que son mandat l’oblige à combattre et à minimiser les risques financiers liés à la crise climatique et à la perte de biodiversité (voir argument 9).


Argument de la BNS no2 :

« Une stratégie de placement passive et neutre est nécessaire pour avoir le moins d’influence possible sur la formation des prix des différents secteurs et entreprises ».

Actuellement, la politique de placement de la BNS sur le marché n’est pas neutre, il s’agit toujours d’un choix : la BNS détermine quelle part de son bilan est investie dans des emprunts d’Etat, des obligations d’entreprises ou des actions. Les Etats que la BNS finance ou non par l’achat d’obligations d’Etat sont laissés à son appréciation.

Par ses achats d’actions, la BNS ne reproduit pas non plus l’économie dans son ensemble, mais ne participe qu’à des entreprises étrangères cotées en bourse. Plus précisément, la BNS investit dans les plus grands indices du marché mondial. Ceux-ci sont loin d’être neutres sur le marché : ils privilégient les entreprises à forte intensivité de carbone (voir argument 2).

De plus, dans ses investissements, la BNS va à l’encontre de ses propres directives qui excluent les entreprises « causant systématiquement de graves dommages à l’environnement ». Les exemples de Duke Energy, Chevron, ExxonMobil, Enbridge, Total ou Shell illustrent clairement cette contradiction (voir argument 4 ou « Investissements nuisibles – BNS »).

En outre, ses investissements portent atteinte aux facteurs de sécurité, de rendement et de liquidité. Ainsi, les investissements non compatibles avec le climat ont tendance à être plus risqués et il faut s’attendre à ce qu’ils soient plutôt moins demandés à l’avenir (voir argument 5).


Argument de la BNS no3 :

« La BNS est indépendante, laissez-la tranquille »

L’indépendance de la BNS est limitée, il existe des facteurs de limitation clairs. Ainsi, la BNS est certes indépendante dans ses activités quotidiennes, mais elle doit néanmoins rendre des comptes au Conseil fédéral et au Parlement et les soumettre aux législations internationales et nationales.

De plus, l’idée que les banques centrales sont indépendantes n’a pas toujours été reconnue et lorsque cette idée est apparue au 20e siècle, la marge de manœuvre des banques centrales était beaucoup plus réduite.


La BNS ne peut pas se considérer comme « indépendante » de la crise du climat et de la biodiversité, comme ces deux crises ont un impact sur son mandat de stabilité des prix et de stabilité financière. Il est donc inacceptable que la BNS, sous couvert d’indépendance, ignore toute demande qui lui serait adressée. Indépendante signifie que le mandat est effectivement mis en œuvre. Or, ce n’est pas ce que fait la BNS actuellement, puisqu’elle ne lutte pas de manière proactive contre la crise climatique et la perte de biodiversité (voir argument 3).